Images de Continuidad de los parques, film d'Alfonso Guerrero, Uruguay, 2008. |
Cette histoire est de celles que France adore. Mais elle est trop brève,
hélas, une page à peine, et c’est le lecteur qui doit construire les
personnages, trouver les motivations, ajouter la localisation… et, de plus, retomber
sur ses pieds –si possible– après le réveil de la fin.
En parlant l’autre jour, ici même, de la fâcheuse habitude de bifurquer
qu’ont les sentiers du temps, je me devais d’évoquer une autre insubordination
temporelle, encore plus insidieuse, celle de la ‘Continuité des parcs’, titre innocent de Julio Cortázar (1914-1984)
sous lequel se cachent de subreptices points de passage d’un univers à un autre.
Et quelle fin, celle de son histoire ! Ce n’est pas gentil de couper
court avec une finale de la sorte, mais l’écriture de Cortázar est en soi une
aventure hors calibre. Attention, non seulement elle crée la dépendance, mais
aussi la multiplication : déterminante du ‘boom littéraire
latino-américain’ des années 1960, elle fait peau avec les ponts de Paris
depuis la publication de Rayuela (Marelle en français, chez Gallimard).
J’arrive (si vous ne l’avez déjà fait à l’aide du lien précédent, je vous
recommande de cliquer et de lire maintenant le texte de la nouvelle) : le
récit est un simple schéma de roman policier qui conduit à un assassinat. Or,
ce récit est centrée sur la lecture que fait un personnage de façon entrecoupée,
dans le train, dans son salon… jusqu’à la dernière ligne. Quand l’assassin
décharge son coup fatal, le lecteur se rend compte de quelque chose qui change
le tout.
Et les lecteurs de Cortázar que nous sommes, aussi : nous venons de
tomber, avec le lecteur de son histoire, dans l’attrape-nigaud d’une ‘mise en abyme’ (oui, avec Y, tel que
Guide a lancé l’expression en la récupérant du Moyen Âge). Or, une mise en
abyme se caractérise par une histoire imbriquée, éventuellement jusqu’à
l’infini : un miroir qui reflète un miroir, etc. Ici aussi, en temps
tellement réel que le coup de l’assassin de l’histoire tombe sur le lecteur de celle-ci,
car l’histoire était la sienne. Saut de niveau ? Effondrement dans l’abîme
d’un autre espace-temps ? Oui, il faut toujours se méfier des temps ‘bifurqués’
ou de ceux qui semblent obstinément parallèles, car ils finissent toujours par se rejoindre et
nous rattraper : la réalité est, de loin, beaucoup plus imaginative que la
fiction, je vous l’assure.
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