Diego Velázquez, Les fileuses (ou La fable d’Arachné), détail, ca 1657, El Prado. |
N’allez pas me dire que le temps est ce fil de soie qu’une araignée
laborieuse issue du Big Bang tisse en enfilant les minutes et les années de
notre agenda.
N’allez pas me dire que le temps est cette belle droite, partie vers la
croissance de la richesse (et mettant au rencart la distribution de celle-ci,
hélas !).
Aujourd’hui, on est sur pause.
Le temps, un long fil droit ? Vraiment ?
Les fileuses (détail), El Prado. |
Pour continuer, le temps a déjà été circulaire : par le retour des
oies et des amours (même s’il n’y a plus de saison !) ; par les
cycles et les renaissances des conceptions orientales de la vie ; et même
par ‘l’éternel
retour’ de Friedrich Nitzsche (1844-1900), qui n’a rien à voir avec ces
dernières, car il se limite à poser l’insidieuse question suivante, à portée
essentiellement éthique : supposez que la mort arrive à votre chevet et
vous donne le choix entre disparaître dans le néant ou revivre votre vie à
l’infini ; la vie que vous avez faite vous donnerait-elle le courage de
choisir l’éternel retour ? Malin ce Nitzsche, eh ?
Et pour finir, Henri Bergson (1859-1941) nous a déjà fait voir que la ‘durée’, le vrai temps des êtres
vivants, n’a rien a voir avec le tic-tac de la montre. La preuve : maintenant
qu’on est sur pause, le temps ne file plus comme avant. Il faudrait en
profiter, par exemple, car il est plus aisé de réfléchir au sec sur un recoin que
dans l’action des rapides.
En effet, la réalité du temps c’est qu’il s’arrête, il trace de profonds méandres
et son cours ressemble plus à un zigzag qu’à une droite. Plus encore : le
fil du temps bifurque. Rappelez-vous les ‘histoires dont vous êtres le héros / l’héroïne’,
où il faut faire des choix, chacun conduisant à un récit différent… Rappelez-vous
le jeu d’échecs, dont le nombre de démarches possibles croît à la vitesse de la
multiplication d’un virus…
L’araignée du temps sécrète un fil translucide, mais elle tisse avec
celui-ci une toile, un ‘jardin aux sentiers qui bifurquent’.
La suite, dans le récit du même titre du recueil Fictions, de Jorge Luis Borges (1899-1986).
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Ces derniers jours, j’ai reçu des messages des gens que j’avais perdus de
vue depuis longtemps, des messages qui disent que c’était bien, les moments
qu’on a coïncidé sur le train où vont les choses. Et, oui, c’était bien de les
recevoir.
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