mercredi 1 juillet 2020

Un homme et son cheval regardent la mer

El último de Gibraltar, Augusto Ferrer-Dalmau, 2011
(contenu libre Wikimedia)

Lundi 4 août 1704. Diego de Salinas est seul avec son cheval sur la plage de Gibraltar. Ni lourd ni aérien : il a le cœur vide. Il vient de signer la reddition du ‘Peñón’ de Gibraltar, qu’il défendait –avec une garnison de 100 soldats espagnols, 400 civils armés et quelques marins français– contre une armada anglo-néerlandaise de 34 000 hommes et 4 000 canons.

Les défenseurs ont été laissés à eux-mêmes. On espère d’eux qu’ils feront belle figure de résistants acharnés devant l’historiographie future ? Ça fait toujours de belles histoires patriotiques…

Diego de Salinas tient bon depuis le 1er août, mais les forces de la flotte débarquent et prennent en étau le sanctuaire de Notre Dame de l’Europe, au sud de la forteresse, où femmes et enfants étaient réfugiés.

À l’inutilité flagrante de l’héroïsme s’ajoute alors le non-respect habituel de la vie des civils, démontré par les envahisseurs dans des occasions récentes. Ceci ne laisse plus de place à l’hésitation et Salinas ordonne arborer pavillon blanc…


Garder les regrets, se savoir dorénavant un lâche pour les siens, savoir surtout que le Peñón’ était perdu… pour toujours ? Salinas et son cheval regardent le soleil couchant de ce 4 août 1704 avant de partir, les derniers.

Quatre années plus tard, le jeune trifluvien Pierre Gaultier de Varennes et de La Vérendrye (1685-1749) s’enrôle dans la même guerre, celle de Succession de l’Espagne, du même côté des perdants. Il est blessé et fait prisonnier à la bataille de Malplaquet (1709) avant de pouvoir retourner en Nouvelle-France, sans le sou, en mai 1712.

Dans ses terres de La Gabelle, près de Trois-Rivières, il commence à faire la traite de fourrures avec les Amérindiens et, à partir des informations qu’il reçoit d’eux, à concevoir sa quête de la mer de l’Ouest. Reçoit-il des appuis malgré l’importance stratégique de ce projet ? Les mêmes que Salinas à Gibraltar : aucun. Décidément l’histoire –le petit groupe de privilégiés qui décident les choses– préfère s’armer de paperasse et calendes grecques, laissant les faits impossibles aux autres, quitte à les récupérer une fois morts en héros.

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