Il n’y a pas de doute, on est à un pas de la philosophie dans ce confinement
de mars et avril, propice à la réflexion, voire à l’autoréflexion et aux
questionnements comme celui-ci : qu’est-ce qui constitue la trame de notre
personnalité ?
Nous sommes d’abord notre réseau de famille et d’amis. Il y a aussi nos
lieux habituels, nos savoir-faire, nos souvenirs courants, récents. Dans une
pelure un peu plus profonde, il y a l’amour et les souvenirs anciens, touchés
d’une musique particulière. Mais au noyau de la conscience de soi, il y a
surtout deux choses : le schéma corporel et le paysage intérieur.
Le schéma corporel est comme notre photo 3D –soumise à une forte distorsion
comme on le verra– qui garde nos gestes les plus caractéristiques, notre
démarche, notre façon de regarder, notre intonation… C’est notre marque, celle
que nous voulons projeter de nous dans notre meilleur angle. Or, cette image
nous l’avons travaillée longuement, au moins depuis l’adolescence, mais nous
n’avons pas réussi à cacher derrière elle tous nos défauts : nous avons dû
nous mentir un peu, en nous attribuant quelques poses de nos acteurs idolâtrés,
de nos copines plus brillantes que nous… Ce n’est pas un mensonge, juste un peu
de bienveillance, que la masse de photos proliférant aujourd’hui sur les
réseaux nous révèle facilement dans sa fausseté.
Centre cérémonial, castrum Ulaca (Ávila, Espagne) |
Le paysage intérieur, de son côté, n’a rien à voir avec nos lieux habituels.
Le paysage intérieur n’existe pas nécessairement sur Terre. Il est un mélange
tissé d’abord par des lieux de notre enfance, mais où s’insèrent également les
impossibles rêvés d’alors pour partir au loin, à l’aventure de la vie. Le paysage
intérieur devient ainsi la matrice spatiale qui nous a incubés en tant que
personnes, où s’entremêlent nos jardins lointains, les vieilles comptines, les
premières escapades…
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Mon paysage intérieur à moi –dans la mesure où je peux le verbaliser– est fait de roches de granit, en haut dans la
montagne... Peut-être au vieux pays des Celtes-Vettons, qui construisaient des ‘castra’ inaccessibles, pratiquaient
l’élevage et respectaient Épona, la déesse-jument qui prend soin des chevaux,
ainsi que des humains lors de leur dernier voyage.
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