Les dernières coquilles résistaient
cachées comme des enkystements rétifs, sournois, toujours fuyants à l’œil :
un accord de mot composé, un sujet multiple inattendu, un petit tour de
l’homophonie…
Mais, de fait, la liste des feux
rouges qu’on me signalait s’allongeait bien davantage avec des virgules ‘manquantes’
ou ‘choquantes’ et, surtout, avec des ‘phrases sans verbe’.
Oui, c’est la première faute qu’on
corrige à la petite école, les phrases sans verbe. Et je me demande quelle aura
été la réaction des correcteurs de Lucia Berlin (1936-2004) au moment de
recevoir ses premiers textes. Mettons elle, qui arbore les phrases sans verbe,
mais on pourrait dire à peu près la même chose de chaque écrivain indépendant
et créateur – de chaque vrai écrivain donc –, toujours en lutte contre l’ennui
de la norme : pensez à Pierre Corneille et à ses démêlés avec l’Académie française,
qui l’accusait de double attentat contre la moralité et contre la poétique
dramatique.
Et les virgules : ce sont les respirations du texte,
les indications de lecture qui marquent pauses, silences et enchaînements. Leur
utilisation est tout sauf mécanique, car les règles de base – comme les éléments
d’une série ou les déplacements criants – sont soumises à une ‘économie d’échelle’
(celle du paragraphe) et à la volonté d’insister (ou non) sur certains
segments.
On peut d’ailleurs ponctuer beaucoup ou très
sobrement. Ni dans un cas ni dans l’autre, on n’arrivera jamais à se substituer
au lecteur, qui doit ‘interpréter’ le texte comme un musicien interprète la
partition pour en faire de la musique. C’est ça le texte : ni plus ni
moins que de la musique écrite.
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