dimanche 22 décembre 2019

Grammaire et récit


Les dernières coquilles résistaient cachées comme des enkystements rétifs, sournois, toujours fuyants à l’œil : un accord de mot composé, un sujet multiple inattendu, un petit tour de l’homophonie…

Mais, de fait, la liste des feux rouges qu’on me signalait s’allongeait bien davantage avec des virgules ‘manquantes’ ou ‘choquantes’ et, surtout, avec des ‘phrases sans verbe’.

Oui, c’est la première faute qu’on corrige à la petite école, les phrases sans verbe. Et je me demande quelle aura été la réaction des correcteurs de Lucia Berlin (1936-2004) au moment de recevoir ses premiers textes. Mettons elle, qui arbore les phrases sans verbe, mais on pourrait dire à peu près la même chose de chaque écrivain indépendant et créateur – de chaque vrai écrivain donc –, toujours en lutte contre l’ennui de la norme : pensez à Pierre Corneille et à ses démêlés avec l’Académie française, qui l’accusait de double attentat contre la moralité et contre la poétique dramatique.

Et les virgules : ce sont les respirations du texte, les indications de lecture qui marquent pauses, silences et enchaînements. Leur utilisation est tout sauf mécanique, car les règles de base – comme les éléments d’une série ou les déplacements criants – sont soumises à une ‘économie d’échelle’ (celle du paragraphe) et à la volonté d’insister (ou non) sur certains segments.

On peut d’ailleurs ponctuer beaucoup ou très sobrement. Ni dans un cas ni dans l’autre, on n’arrivera jamais à se substituer au lecteur, qui doit ‘interpréter’ le texte comme un musicien interprète la partition pour en faire de la musique. C’est ça le texte : ni plus ni moins que de la musique écrite.

samedi 7 décembre 2019

Branle-bas de combat : encore des coquilles !



Mon ami Serge Rousseau lit souvent au café. Il m’écrit emballé par Le cours du temps, un peu subjugué, comme beaucoup d’autres lecteurs, par la mystérieuse destinataire des lettres qui introduisent chacune des nouvelles, à qui le narrateur adresse le vouvoiement.


Serge évoque la philosophie derrière les histoires, l’art de vivre, le fait que les chevaux s’approchent du lecteur, même pour un profane comme lui.

Serge me parle aussi des coquilles qui subsistent malgré tous les passages de charrue que le texte a subi (dur, le labeur de lire et de relire jusqu’au ‘par cœur’ !). Je lui réponds à la blague que Gabriel García Márquez avait vécu la même frustration lors du premier tirage d’une de ses œuvres. Serge me réconforte en me disant que García Márquez reste néanmoins un modèle non négligeable. Nous rions, mais l’errata il va falloir le dresser.


Branle-bas de combat. Serge est en train de peigner encore le texte. Comme le tirage du volume se fait ‘à la demande’ (à une vitesse éclair), les prochains exemplaires seront bientôt libérés des erreurs et des horreurs ajoutées, non pas par le diable de l’imprimerie, mais, plus directement, par celui qui vous parle.

Les pieds des photographes

La Verendrye au lac des Bois (détail), Arthur H. Hider (1870-1952), Bibliothèque et Archives Canada Entourés de leurs ar...