vendredi 20 mars 2020

Une sortie à la ‘milonga’ avant la Covid-19


Une de tango… un peu tirée par les cheveux sur un blog dédié aux chevaux ?
Mmm, pas tout à fait. À la base des deux, tango et équitation, il y a une entente essentielle : jouer ensemble, passer non pas un simple message, mais partager plutôt des sensations, des intuitions, un regard.
Ça paraît loin maintenant que nous sommes submergés par le cortège d’informations, de paniques et de fake news qu’apporte chaque jour la Covid-19. Et pourtant ça ne fait que quelques jours : elle avait un regard pétillant, tout attentif au jeu, car c’était un jeu ce tango, dont le mouvement pouvait exploser dans une lancée à travers la salle ou se réduire à un ironique mime de petits pas pianotés, tourbillonner jusqu’à la perte de l’équilibre, tourner cuise contre cuise…
Oui, il m’arrive de faire un tour à la milonga –ce type de soirée où l’on danse le tango, et Trois-Rivières en est bien desservie–, car j’admire les danseurs, le mouvement intimement lié des couples, leur langage corporel de proposition et réponse… Mais je ne suis pas moi-même un tanguero : je n’ai jamais maîtrisé le rituel social qui entoure la danse. Par ailleurs, mes pas répétitifs et simplets finissent le plus souvent par nous ennuyer, ma partenaire et moi.
Mais pas ce jour-là.
Au fond, tout est dans le jeu, ce cordon ombilical qui nous lie à l’enfance, qui brille un moment dans les pupilles, qui nous emporte au chaud comme un vent d’été, ou la langue d’un chien, ou un feu crépitant à côté de la rivière qui chante entre les ronds rochers.
Règle numéro un pour bien jouer comme un enfant : inventer la réalité car, à défaut de cela, rien n’existera. S’inventer soi-même aussi, de préférence avec un petit grain de sel et un autre d’ironie : tout en interprétant le chevalier ou la canaille, il ne faut jamais se prendre pour quelqu’un.
Règle numéro deux : rester au chaud de la mémoire et ne pas céder à la croyance du temps perdu. Le temps se perd dans le contenant supérieur de votre sablier, d’accord, mais vous le récupérez dans l’inférieur. Ça s’appelle avoir vécu.
Règle numéro trois : dans le jeu de la vie, le simple mot forêt fait pousser des arbres, surtout s’il va accompagné du geste et du regard.
Règle numéro quatre (Antonio Machado dixit) : L'œil que tu vois n'est pas œil parce que tu le vois ; c'est un œil parce qu'il te voit. C’est-à-dire, ton œil invente la réalité mais l’autre aussi : le jeu se fait au moins à deux.
(Champs de Castille, Proverbes et chansons, 1912...)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les pieds des photographes

La Verendrye au lac des Bois (détail), Arthur H. Hider (1870-1952), Bibliothèque et Archives Canada Entourés de leurs ar...