Une de tango… un peu tirée par les cheveux sur un blog dédié aux
chevaux ?
Mmm, pas tout à fait. À la base des deux, tango et équitation, il y a une
entente essentielle : jouer ensemble, passer non pas un simple message, mais partager
plutôt des sensations, des intuitions, un regard.
Ça paraît loin maintenant que nous sommes submergés par le cortège d’informations,
de paniques et de fake news
qu’apporte chaque jour la Covid-19. Et pourtant ça ne fait que quelques
jours : elle avait un regard pétillant, tout attentif au jeu, car c’était
un jeu ce tango, dont le mouvement pouvait exploser dans une lancée à travers
la salle ou se réduire à un ironique mime de petits pas pianotés, tourbillonner
jusqu’à la perte de l’équilibre, tourner cuise contre cuise…
Oui, il m’arrive de faire un tour à la milonga
–ce type de soirée où l’on danse le tango, et Trois-Rivières en est bien desservie–,
car j’admire les danseurs, le mouvement intimement lié des couples, leur
langage corporel de proposition et réponse… Mais je ne suis pas moi-même un tanguero : je n’ai jamais maîtrisé le
rituel social qui entoure la danse. Par ailleurs, mes pas répétitifs et
simplets finissent le plus souvent par nous ennuyer, ma partenaire et moi.
Mais pas ce jour-là.
Au fond, tout est dans le jeu, ce cordon ombilical qui nous lie à
l’enfance, qui brille un moment dans les pupilles, qui nous emporte au chaud comme
un vent d’été, ou la langue d’un chien, ou un feu crépitant à côté de la rivière
qui chante entre les ronds rochers.
Règle numéro un pour bien jouer comme un enfant : inventer la réalité
car, à défaut de cela, rien n’existera. S’inventer soi-même aussi, de
préférence avec un petit grain de sel et un autre d’ironie : tout en
interprétant le chevalier ou la canaille, il ne faut jamais se prendre pour
quelqu’un.
Règle numéro deux : rester au chaud de la mémoire et ne pas céder à la
croyance du temps perdu. Le temps se perd dans le contenant supérieur de votre
sablier, d’accord, mais vous le récupérez dans l’inférieur. Ça s’appelle avoir vécu.
Règle numéro trois : dans le jeu de la vie, le simple mot forêt fait pousser des arbres, surtout
s’il va accompagné du geste et du regard.
Règle numéro quatre (Antonio Machado dixit) :
L'œil que tu vois n'est pas œil parce que tu le vois ; c'est un œil parce
qu'il te voit. C’est-à-dire, ton œil invente la réalité mais l’autre aussi : le jeu
se fait au moins à deux.
(Champs de Castille, Proverbes et
chansons, 1912...)
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